Si l’urbanisme et l’architecture des Arcs sont le fruit d’un travail collectif, l’expérience de Charlotte Perriand a été précieuse et décisive. Pour Catherine Clarisse, le projet des Arcs est pour l’architecte une « œuvre complète de maturité » : « A travers l’ensemble de ses propositions et réalisations, on lit à la fois la continuité de ses préoccupations antérieures et l’aboutissement de ses recherches dans différents domaines : la montagne, loger le plus grand nombre (ici pour les vacances), la préfabrication, l’équipement de l’habitation, les arts ménagers… »[1].
2.1. Urbanisme et architecture
L’implication de Charlotte Perriand n’intervient dans le projet qu’à la fin de 1967. Des études sont menées depuis 1962 sur les sites, les premiers plans datent de 1964. Roger Godino a fait le choix de commencer par le site 1600, pour des raisons économiques et techniques. Il souhaite en faire un laboratoire pour les deux autres sites. Mais il n’est pas satisfait du plan d’urbanisme qui comprend trois tours et une route d’accès. La construction des Trois Arcs (Arc 1600) est déjà bien avancée quand la collaboration avec Charlotte Perriand est suggérée par Denys Pradelle. Pour cette première construction, elle se limite à quelques préconisations pragmatiques et améliorations subtiles pour l’aménagement intérieur. Cependant, rapidement l’influence de l’architecte se fait sentir : elle substitue aux immeubles-tours des immeubles-couchés installés en cascade sur la pente. C’est l’expression singulière qu’attendait Roger Godino pour sa nouvelle station. L’une des tours devient la résidence de la Cascade, Charlotte Perriand et Guy Rey-Millet suppléaient Gaston Regairaz pour le suivi de chantier.
« La coupe de La Cascade montrait clairement qu’en face sud les terrasses de deux mètres de profondeur ne se superposaient pas pour ne pas se projeter de l’ombre mutuellement ; elles étaient décalées d’autant vers le nord, ce qui au rez-de-chaussée, mettait à l’abri la circulation extérieure toujours désenneigée »[2].
L’organisation des logements qui composent le bâtiment est dans la continuité du travail mis en œuvre à Marseille, dans l’Unité d’Habitation.
Pour la station Arc 1800, l’étude du plan de composition est entièrement supervisée par Charlotte Perriand. Le principe directeur est l’accueil d’un très grand nombre de personnes, tout en préservant au mieux les espaces naturels. Les constructions s’articulent en arc autour du golf, qui se transforme en arrivée des pistes en hiver. L’étude critique de la station Plagne 2000 conforte les architectes dans leur choix d’une station d’hiver comme d’été. La station est décomposée en trois villages autonomes – Charvet, Villard, Charmettogé – permettant une meilleure organisation des chantiers. Un dernier village, Chantel Haut, n’a pas vu le jour pour des raisons financières. Il est aujourd’hui considéré comme le véritable aboutissement du travail de Charlotte Perriand.
Avec le temps, les contraintes économiques et financières se sont faites plus pressantes, cela a conduit Charlotte Perriand et les architectes de l’A.A.M. à revoir sans cesse leur copie. L’innovation devait être permanente. A Arc 1800, les programmes de construction prévoyaient la livraison de 500 à 600 logements par saison, soit 5 fois plus qu’à Arc 1600. La préfabrication et la rationalisation des constructions ont été nécessaires pour mener à bien ces projets. L’étude comparative des plans des appartements menée par Catherine Clarisse, montre l’évolution de la cellule et notamment la diminution constante des surfaces habitables[3]. En effet, Arc 1600 était une station destinée à une clientèle assez aisée, les appartements sont essentiellement destinés à la vente alors que la station Arc 1800 s’adresse à une clientèle moins fortunée, les appartements et les studios y sont moins grands, et plutôt destinés à la location et à l’achat en multipropriété.
L’« étude architecturale de cellule poussée à la perfection par Charlotte Perriand »[4] est mise en place dans le village du Villard. L’architecte a poussé très loin ses réflexions sur le logement minimum. Si bien, que dans la résidence Les Mirantins (1985), l’un des derniers programmes auxquels elle a collaboré, les studios font 17m² pour 4 personnes, avec une mezzanine de 1,77m de haut.
« Le nouveau studio-loisirs tient compte des habitudes montagnardes d’une vie en refuge, avec une salle pour les repas et, décalé en hauteur, un bat-flanc pour dormir…Dans cet espace, je plaçai d’abord la salle de bains normalisée, les gaines, le plan de cuisson avec l’espace de travail. Sur cet ensemble, je posai à 2,1 m du sol une structure faite de madriers de sapin. La deuxième partie de cet ensemble était destinée au séjour, qui profitait de toute la hauteur des 3,96 m. 4 à 5 lits = 29 m2 habitables, avec des thèmes et variations selon les lieux. »[5]
Cet espace particulièrement réduit était destiné aux populations passant le plus clair de leur temps à l’extérieur, collant ainsi à l’évolution de la pratique des sports de montagne.
Pour la station Arc 2000, Charlotte Perriand a limité sa participation au dessin d’un studio jumelé qui offre la possibilité de relier deux chambres par un sas d´entrée commun ouvert sur le couloir de la coursive. « J´ai conçu un nouveau modèle de studio qui serait exploité l´été en résidence hôtelière et l´hiver en hôtel. Sa transformation s´opérait par le bloc-cuisine. La table de cuisson et le lave-vaisselle seraient fermés l´hiver pour ne laisser apparaître que les éléments du bar. Il était jumelé à un second studio, relié par un sas d´entrée commun, souplesse qui permettait une extension pour un groupe d´amis ou une famille nombreuse »[6].
[1] C. CLARISSE, « L’aventure des Arcs » dans Charlotte Perriand, catalogue de l’exposition au Centre Pompidou, p.143
[2] PERRIAND, Charlotte : Une vie de création, Editions Odile Jacob, Paris, 1998, p.
[3] C. CLARISSE, G. FELD, M. McLEOD, M. TEAL, « Charlotte Perriand and the Alps, Skiing for Masses », dans Charlotte Perriand, an art of living, p.191
[4] Roger GODINO, « La Station des Arcs (Savoie) », Technique et Architecture, n°333, déc. 1980, p.48
[5] PERRIAND, Charlotte : Une vie de création, Editions Odile Jacob, Paris, 1998, p.
[6] PERRIAND, Charlotte : Une vie de création, Editions Odile Jacob, Paris, 1998, p. 378
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