2.2. Mobilier et objets

L’« art d’habiter » de Charlotte Perriand ne se limite pas à l’architecture, il s’étend aussi bien aux circulations qu’au mobilier. Elle est attentive aux relations humaines qui s’épanouissent dans son architecture. Ainsi on comprend le soin apporté à l’aménagement intérieur des logements de la station. L’équipement des appartements a beaucoup évolué entre 1967 et 1986.

A Arc 1600, Charlotte Perriand aménage entièrement les hôtels avec une sélection de ses pièces, ou bien celles d’autres créateurs. Les propriétaires sont quant à eux laissés libre dans le choix de leur mobilier. Néanmoins, le référencement des studios et appartement à louer par le biais de la station, est soumis à une sélection de mobilier, parmi un corpus de pièces conçues ou choisies par Charlotte Perriand, afin de renforcer l’unité de la création. On constate ainsi une forte disparité dans les équipements des résidences la Cascade et la Cachette. Charlotte Perriand a élaboré son corpus en puisant dans les éditions Steph Simon (pour ses propres créations comme pour celles de Sori Yanagi) ou chez les jeunes créateurs qu’elle fréquente par l’intermédiaire de Formes Utiles : Alain Richard, René-Jean Caillette,… On y retrouve notamment le célèbre tabouret Berger, les chaises Méribel, ainsi que des réemplois de la table Brésil, ou bien les appliques CP1 parmi les créations de Charlotte Perriand.

 

La société Arc Mobilier est créée pour concevoir et distribuer, grâce à des boutiques sur les sites, des meubles, appareils d’éclairage, accessoires et autres objets domestiques. Comme l’explique Charlotte Perriand dans son autobiographie, « la responsabilité opérationnelle d’Arc Mobilier fut confiée à Jean Montaigut ». Elle s’occupe de la création, aux investigations et sélections de produits. L’objectif est aussi de favoriser la fabrication locale et l’industrie du bois. A travers cet organisme, Charlotte Perriand souhaite diffuser et promouvoir un nouvel art de vivre : « inciter [les propriétaires] à embellir leur environnement ». La première boutique s’installe dans l’hôtel de la Cachette à Arc 1600, une autre boutique est ouverte dans la résidence Bellecôte, déplacée en 1978.

Pour Arc 1800, le défi à relever est tout autre. Les livraisons annuelles d’appartement sont sans commune mesure avec celles d’Arc 1600 et les surfaces se réduisent constamment, il devient nécessaire de « normaliser » l’aménagement. C’est le cas notamment avec les sanitaires. Pour réduire le temps de pose des salles de bain, elle est entièrement préfabriquée par une usine spécialisée dans le polyester pour la marine, et livrée sur le site. Charlotte Perriand a élaboré une salle de bain petite mais confortable, réconciliant hygiène et volupté. Le mobilier aussi évolue et peut-être combiné, comme les tables pentagonales et les tables carrées qui associées peuvent accueillir sept convives. Les rangements sont intégrés et suspendus, les chaises sont remplacées par des bancs, l’escalier de la mezzanine devient un immense rangement. L’optimisation de l’espace est un critère important, néanmoins l’esthétique n’est jamais mise de côté dans l’équipement intérieur des studios. Comme l’écrit Catherine Clarisse « Tout ce qu’elle touche est plus que fonctionnel : confortable et chaleureux ». L’ensemble de l’œuvre de Charlotte Perriand aux Arcs confirme ce que son ami de toujours José-Luis Sert écrivait en 1956 : « Son œuvre a une continuité qui résulte de cette adaptation sensible et intelligente des formes éternelles aux besoins d’aujourd’hui. »[1]

[1] SERT, José-Luis : « Charlotte Perriand », Aujourd’hui : art et architecture, n°7, mars 1956, p.58-51